Comment définir les Anglais


Un optimisme profond !

"Every cloud has its silver lining". Par ces mots, nos amis Anglais veulent nous faire comprendre que pour eux aussi, "après la pluie, le beau temps", et qu'il ne faut donc jamais désespérer. Cet optimisme, cette façon de voir les choses du bon côté, est certainement un des traits principaux du caractère British. "Chaque nuage a son bord argenté" qui annonce en effet le retour du soleil.

Cette philosophie optimiste est si profondément implantée dans leur mentalité qu'ils refusent souvent de décrire une situation démoralisante en utilisant le moindre mot négatif, et même d'attendre le retour du soleil avant de sourire et de sortir.
Un été, en visite chez des amis anglais, nous avions projeté de prendre le métro pour nous rendre au centre de Londres afin d'arpenter la ville à pied pour profiter au maximum de ses monuments, de ses parcs pour pique-niquer, et de ses magasins. Au réveil, tirant les rideaux de notre chambre, nous avons découvert un ciel gris qui déversait sur la ville une pluie fine et régulière - de celles qui sont parties pour durer. Afin de profiter au maximum de notre expédition dont nous comptions rapporter de magnifiques photos, arrivés à la table du breakfast, nous suggérions de reporter notre sortie de 24 heures, le temps ne pouvant que s'améliorer. Cette suggestion ne leur convenait visiblement pas, ce qui peut se comprendre. Mais point de refus de leur part, point de justification, d'excuses ou de regrets de ne pouvoir accéder à notre requête. La suggestion ne fut tout simplement pas discutée, ni même relevée. L'air de rien, elle fut tout bonnement et irrémédiablement enterrée d'une phrase anodine mais définitivement désarmante que jamais un Français n'aurait eu le culot ou l'indécence de prononcer dans de semblables circonstances : "Au moins vous n'aurez pas trop chaud !
Nous sommes donc partis sans explications sous nos parapluies et... nous n'avons pas eu trop chaud, c'est le moins que l'on puisse dire !

C'est cette différence d'approche de la vie qui fait que nous ne sommes pas "British". Mais être anglais, à part cela, qu'est-ce que c'est ? Voyez comment certains écrivains ont tenté de nous le faire comprendre.


Gustave FLAUBERT "Dictionnaire des idées reçues"
(avant 1880)
"ANGLAIS : tous riches.
ANGLAISES : s'étonner qu'elles ont de jolis enfants. 
JOHN BULL : quand on ne sait pas le nom d'un Anglais, on l'appelle John Bull.
LORD : Anglais riche."
Oscar WILDE cité par William BOYD
in "A Livre Ouvert"
"En France, chaque bourgeois aspire à devenir un artiste. En Angleterre, chaque artiste cherche à devenir un bourgeois."
André MAUROIS  "Les Silences du Colonel Bramble"
(1921)
(C'est bien évidemment le très British Colonel Bramble qui parle)

"Nous n'allons pas au collège pour nous instruire, mais pour nous imprégner des préjugés de notre classe sans lesquels nous serions dangereux et malheureux."
[...]
"Le peuple anglais, qui avait déjà donné au monde le fromage de Stilton et des fauteuils confortables, a inventé pour notre salut à tous la soupape parlementaire. Des champions élus font désormais pour nous émeutes et coups d'Etat en chambre, ce qui laisse au reste de la nation le loisir de jouer au cricket. La presse complète le système en nous permettant de jouir de ces tumultes par procuration."
[...]
"Mépriser le danger, tenir sous le feu [...] cela fait partie d'une bonne éducation. D'un petit bouledogue qui tient tête à un gros chien, ils disent gravement : 'C'est un gentleman'."
[...]
"Dans l'effroyable méchanceté de l'espèce, les Anglais établissent une oasis de courtoisie et d'indifférence. Les hommes se détestent ; les Anglais s'ignorent."
[...]
"Leur intelligence [...] se complait dans un bon sens vigoureux et dans l'absence de tout système. De là un ton simple et naturel qui rend plus charmant encore le goût de ce peuple pour l'humour."
[...]
"On a passé leur jeunesse à leur durcir la peau et le coeur. Ils ne craignent ni le coup de poing, ni un coup du sort. Ils considèrent l'exagération comme le pire des vices et la froideur comme un signe d'aristocratie. Quand ils sont très malheureux, ils mettent un masque d'humour. Quand ils sont très heureux, ils ne disent rien du tout."

Dialogue de film in 
"La Mousson"
("The Rains came")
de Clarence Brown
(1939)
Une Anglaise tombe amoureuse d'un médecin indien qui lui déclare :

"- The English are an odd people. I admire them but I don't pretend to understand them.
- The English are a sentimental people and very much ashamed of it."

Winston CHURCHILL ?
(1942)
"The Almighty in his infinite wisdom did not see fit to create Frenchmen in the image of Englishmen."
George MIKES "How to be an Alien"
(1946)

"How to be a hypocrite

If you want to be really and trully British, you must become a hypocrite.
Now : how to be a hypocrite ?
As some people say that an example explains things better than the best theory, let me try this way.
I had a drink with an English friend of mine in a pub. We were sitting on the high chairs in front of the counter when a flying bomb exploded about a hundred yards away. I was truly and honestly frightened, and when a few seconds later I looked around, I could not see my friend anywhere. At last I noticed that he was lying on the floor, flat as a pancake. When he realized that nothing particular had happened in the pub he got up a little embarassed, flicked the dust off his suit, and turned to me with a superior and sarcastic smile.
'Good Heavens ! Were you so frightened that you couldn't move ?'"

Pierre DANINOS "Les Carnets du Major Thompson"
(1954)
"Dans le secret de son cabinet de Harley Street, un de mes amis, réputé chirurgien du cerveau, ouvrit un jour un Anglais.
Il aperçut d'abord un cuirassé de Sa Majesté, puis un imperméable, une couronne royale, une tasse de thé, un dominion, un policeman, le règlement du Royal and Ancient Golf Club de St Andrews, un Coldstream Guard, une bouteille de whisky, la Bible, l'horaire du Calais-Méditerranée, une nurse du Westminster Hospital, une balle de cricket, du brouillard, un morceau de terre sur lequel le soleil ne se couchait jamais et, tout au fond de son subconscient tapissé de séculaire gazon, un chat à neuf queues* et une écolière en bas noirs.
[...] Et il fut obligé de convenir que tout cela faisait un réellement bon Anglais."

(* c'est le nom du fouet utilisé pour punir les marins sur les grands voiliers.)

Pierre DANINOS
"Le Secret du Major Thompson"

(1956)

"Comment définir des gens qui se font un devoir de ne jamais poser de question personnelle sur la vie privée du voisin mais qui se tiennent au courant des moindres allées et venues ou emplettes de leur Reine comme s'ils étaient concierges à Buckingham Palace, [...] qui n'aiment pas parler mais adorent les orateurs, [...] qui ne font rien comme personne mais s'étonnent que tout le monde ne fasse pas comme eux."
Pierre DANINOS "Le Secret du Major Thompson"
(1956)
"Un vrai gentleman ne se plaint jamais. Il doit savoir «encaisser» : to take it. C'est une loi à laquelle les Anglais obéissent toute leur vie."
Pierre DANINOS "Le Secret du Major Thompson"

(1956)

"L'une des choses les plus difficiles quand on arrive à Londres, c'est de rencontrer un Anglais.
La difficulté est plus grande encore dans l'Histoire d'Angleterre, à laquelle ont collaboré tant de peuples : il y a des moments où l'on est obligé d'attendre six cents ans avant de rencontrer un roi qui ne soit pas né à Osnabrück, à Hanovre ou à Blois. Les Canuts étaient Danois, les Plantagenets Français, les Tudor Gallois, les Stuart Ecossais et, finalement, après avoir chassé un Ecossais pour mettre à sa place un Hollandais, les Anglais se sont donné pour roi un Allemand qui ne parlait pas un mot d'anglais."
Tom SHARPE "Porterhouse Blue"


(1974)

(La scène se passe dans le collège universitaire de Porterhouse, à Cambridge. C'est important de le souligner pour comprendre ce qui suit).

"- This country, said the Dean with a new intensity, has been run for the past three hundred years by an oligarchy.
He paused to see if the General understood the word.
- Quite right, old boy, said Sir Cathcart. Always has been, always will be. No use denying it. Good thing.
- An elite of gentlemen, Cathcart, continued the Dean. Now don't mistake me, I'm not suggesting they started off as gentlemen. They didn't, half of them, they came from all walks of life. Take Peel for instance, grandson of a mill hand, ended up a gentleman though, and a damned fine Prime Minister. Why ?
- Can't think, said Sir Cathcart.
- Because he had a proper education.
- Ah. Went to Porterhouse eh?
- No, said the Dean. He was an Oxford man.
- Good God. And still a gentleman ? Extraordinary.
- The point I'm trying to make, Cathcart, said the Dean solemnly, is that the two Universities have been the forcing-house of an intellectual aristocracy with tastes and values that had nothing whatever to do with their own personal backgrounds. How many of our Prime Ministers over the last hundred and seventy years have been to Oxford or Cambridge ?
- Good Lord, don't ask me, said the General. Got no idea.
- Most of them, said the Dean.
- Quite right too, said Sir Cathcart. Can't have any Tom, Dick or Harry running the affairs of the state.
- That is precisely the point I have been trying to make, said the Dean. The business of the older Universities is to take Toms and Dicks and Harrys and turn them into gentlemen. We have been doing that very successfully for the past five hundred years."

Irène FRAIN  Préface 
(écrite en 1987)
pour une réédition des "Grands Dossiers de l'ILLUSTRATION" 
(parus entre 1843 et 1944)
Comment peut-on être anglais ? 
Pendant très longtemps, il n'a existé pour les Français peuple plus exotique - au sens premier du terme : radicalement autre
Comment peut-on se délecter de thé en lieu et place de vin, se réjouir la panse de gigot à la menthe, couper la tête d'un roi avant tout le monde, pour remettre aussitôt sur le trône une dynastie indéboulonnable, concilier monarchie et liberté, inventer l'élégance masculine et exhiber les femmes les plus mal fagotées de la planète, appeler victoire ce que nous appelons défaites, Waterloo, Trafalgar ...
Dès le milieu du dix-neuvième siècle [...] l'Angleterre se bâtit un Empire. [...] Perfide Albion : le mot n'est souvent prononcé qu'à mi-voix, mais la jalousie est d'une évidence criante. [...] Les Français tentent désespérément de comprendre comment cette civilisation [...] peut en imposer à l'univers, sans gastronomie, sans galanterie, sans salons littéraires et surtout sans république... L'Angleterre, c'est la France au miroir.

[...] La description exhaustive des moeurs monarchiques conforte les Français dans l'idée qu'Albion, à défaut d'être vraiment barbare, est un pays bizarre, et que tout se tient dans cet empire du saugrenu. La même incongruité semble présider aux usages de la cour et aux subtilités du cricket. Tout comme l'abracadabrante recette du pudding de Noël et les hommes-sandwiches qui peuplent les rues de Londres. Le Français cartésien se résigne à les admettre sans les expliquer, et surtout sans trop s'y frotter. [...]

Antony MIALL  "Xenophobe's Guide to the English"


(1993)

"The English don't just believe themselves superior to all other nations. They also beleive that all other nations secretely know they are.
They feel themselves to be natural leaders, the most obvious choice for 'top-nation'.
Geography reinforces this belief as the inhabitants look out to the sea all around them from the fastness of the 'tight little island'.
Nobody would ever question the aptness of the newspaper report : ' Fog in the Channel - Continent cut off'.
[...]
However informal they are in their manner or address, when it comes to physical contact, the English are still deeply reserved.
They are not a tactile people. [...] Most Englishmen never hug or (perish the thought) kiss other men. They leave that to football players and foreigners."
Julian BARNES  "Lettres de Londres"
(1995)
"Les Anglais ne sont finalement pas mécontents de passer pour un peuple qui sait allier le respect des conventions et l'excentricité."
Bill  BRYSON "Notes from a Small Island"

(1995)

(Un optimisme à toute épreuve, on vous le dit !)

"I was awakened (...) by an abrupt bellow of foghorn. (...) The world was bathed in that milky pre-dawn light that seem to come from nowhere. Gulls wheeled and cried over the water. (...)
I came across an old guy walking his little dog (...)
The man nodded a good-morning as I drew level. 'Might turn out nice', he announced, gazing hopefully at the sky that looked like a pile of wet towels. (...)
The man was scanning the sky again. 'Definitively brightening up', he decided, and dragged his dog off. (...) I watched them go, then turned and walked off down the promenade as it began to spit with rain."

Julian BARNES "England, England"

(1998)

"Nous sommes déjà ce que les autres peuvent espérer devenir. Ce n'est pas de l'apitoiement sur soi-même, c'est la force de notre position, notre titre de gloire, et notre fond de commerce. Nous sommes les nouveaux pionniers. Nous devons vendre notre passé aux autres nations en le présentant comme leur avenir !"
Julian BARNES "England, England"

(1998)

"- Comment faisons-nous pour présenter les Anglais sous un jour favorable ? 
 'Venez rencontrer les représentants d'un peuple qui est largement perçu, même selon notre propre enquête, comme étant froid, snob, émotionnellement retardé et xénophobe ?' 
En plus d'être perfide et hypocrite, bien sûr.
- Eh bien, dit Jeff, (...) je dirais que la meilleure approche est de flatter le client, plutôt que le produit. Par exemple : 'Sirotez votre pinte de bière Jolly Jack à l'Old Bull & Bush, rencontrez les habitués si pittoresques, et voyez comme cette légendaire réserve anglaise fond comme neige au soleil.' Ou bien 'Ils ne donnent pas facilement leur amitié, mais quand ils la donnent, c'est pour la vie..."
Julian BARNES "England, England"
(1998)
"Nous autres Anglais sommes connus à juste titre pour notre pragmatisme, mais c'est dans la résolution des problèmes que nous faisons preuve d'un véritable génie."
François CAVIGLIOLI "Morbide Albion"
in 'Le Nouvel Observateur'
13-19 février 2003
"... Chaque Anglais [est] une île dans une île. [...]
L'Anglais est double. Il y a en lui un civilisé et un sauvage. Le civilisé protège les animaux contre la méchanceté des hommes et le sauvage regrette, sans trop se l'avouer, le temps où la Grande Elizabeth faisait déboyauter ses ennemis et en expédiait les morceaux dans toutes ses bonnes villes. Pour l'exemple et pour le plaisir de son peuple."
Dialogue de film in 
"Ce dont rêvent les filles"
("What a girl wants")
de Dennie Gordon
(2003)
Une jeune Américaine débarque à Londres à la recherche de son père qu'elle ne connaît pas. Lady Dashwood, la nouvelle compagne de ce père qui est en fait un Lord accueille la jeune fille chez eux. Reconaissante, Daphne lui saute dans les bras :

"- Thank you so much, Lady Dashwood.
- No hugs, dear. I'm British. We only show affection to dogs and horses.
- Ah, right !"

Julian BARNES dans une interview sur France 2
en mars (?) 2005
"Les Anglais, ils sont ouverts et faciles d'accès, mais personne ne sait ce qu'ils pensent."
     

 



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