Jerome K.
JEROME |
"Three Men on the Bummel"
(1900) |
"George handed me a small book. It was a guide to
English conversation for the use of German travellers. I had a quick
look at it. "It is not a brilliant publication", I remarked,
handing the book back to George ;"it's not a book that you could
recommend to foreigners visiting England".
But George had an idea. "I want to see what will happen if people
use this book. My suggestion is to go to London on Wednesday and spend
an hour or two shopping with the help of this book. There are one or two
little things I want - a hat and a pair of slippers. [...]
We arrived at Waterloo a little after nine and went to the nearest
shoe shop. It was one of those cheap shops absolutely filled with goods.
Boxes of shoes were piled on the pavement. Inside, the shop was a forest
of shoes. The shopkeeper, when we walked inside, was busy opening a
large box full of shoes. George raised his hat, and said "Good
morning".
The man didn't even turn round. George then chose a sentence :
- "I have been recommended to your shop by my friend, Mr X."
- "Don't know him ; never heard of him."
Then George chose another sentence :
- "I have been told that you have here shoes for sale."
For the first time, the man looked at us. He then spoke in an hostile
voice :
- " What d'ye think I keep shoes for - to smell 'en ? D'ye think I
decorate the shop with 'em to make it look pretty ? What d'ye think I'm
running this shop for - my health ? Did you ever hear of a man keeping a
shoe shop and not selling shoes ?"
I have always thought that these conversation books are never of any
real use. I was even more convinced of it when George chose the worst
possible sentence :
- "I will come again, when, perhaps, you will have some more shoes
to show me."
We rushed out of the shop as the man was becoming violent." |
George
MIKES |
"How to be an Alien"
(1946) |
"The Language When I arrived in England I thought I knew English. After I'd been
here an hour I realized that I did not understand one word. In the first
week I picked up a tolerable working knowledge of the language and the
next seven years convinced me gradually but thouroughly that I would
never know it really well, let alone perfectly. [...] My only
consolation being that nobody speaks English perfectly.
Remember that those five hundred words an average Englishman uses are
far from being the whole vocabulary of the language. You may learn
another five hundred and another five thousand and yet another fifty
thousand and still you may come across a further fifty thousand you have
never heard of before, and nobody else either.
If you live here long enough you will find out to your greatest
amazement that the adjective nice is not the only
adjective the language possesses, in spite of the fact that in the first
three years you do not need to learn or use any other adjectives. You
can say that the weather is nice, a restaurant is nice, Mr Soandso is
nice, Mrs Soandso's clothes are nice, you had a nice time, and all this
will be very nice.
Then you have to decide on your accent.[...] The easiest way to give the
impression of having a good accent or no foreign accent at all is to hold
an unlit pipe in your mouth, to mutter between your teeth and finish all
your sentences with the question : 'isn't it ?' People will not
understand much, but they are accustomed to that and they will get a
most excellent impression."
|
Anne BRAGANCE |
"La Correspondante anglaise"
(1998) |
Sam.
"Tantôt, je m'avance jusque chez mon Joseph comme il m'arrive
depuis qu'il est veuf et seul dans sa grande ferme pleine de courants
d'air, et à mesure que j'approche, j'entends des voix. Tiens, le Joseph
a encore de la compagnie, je me pense, qui ça peut-y bien être ? La
curiosité me pousse jusqu'à la fenêtre ouverte de la cuisine, là je
me penche et qu'est-ce que je vois ? mon pote en train de causer à ses
casseroles dans la langue de Shakespeare. [...]
Il tournait le dos à la fenêtre, il était assis à la grande table
avec son livre et son appareil à cassettes et il répétait les phrases
enregistrées. Dou iou ouante chougare in iour cofi ? Ouatt taïm iz brèkfeust
? Dou iou spic frènntch ? Kènn oui si ze mèniou ? etc.
[...] Cette folie anglaise du Joseph, elle date pas d'hier, il drague la
reine de nos voisins britanniques depuis un demi-siècle, sans succès
mais sans se décourager pour autant."
|
Anne BRAGANCE |
"La Correspondante anglaise"
(1998) |
Joseph.
"Les Français sont anti-polyglottes, ils se terrent dans leur
idiome comme des lapins au fond de leur terrier. Est-ce une posture, un
snobisme ou pis, une tare ? Je ne saurais le dire. Si j'en parle à
l'aise, c'est parce que je ne fais pas exception. Il m'a fallu près
d'un demi-siècle et la perspective d'un prochain voyage in England
pour franchir le pas et me mettre à l'étude de l'anglais. Muni d'une méthode
constituée d'un livre et de quelques cassettes, je travaille
d'arrache-pied à obtenir un niveau qui met permette de tenir une
conversation courante. Croyez-moi, je m'y attelle, je me suis fixé d'y
consacrer deux heures par jour et je m'y tiens.
[...] J'essaie de mémoriser des phrases simples, assorties aux
circonstances du quotidien. J'ai déjà assimilé les leçons relatives
au voyage lui-même, par tous le modes de locomotion proposés, air,
train, bateau. Il me reste à apprendre comment me débrouiller une fois
arrivé à destination quand il me faudra réserver une chambre d'hôtel,
commander un taxi et demander à un indigène un renseignement
quelconque. La méthode avec laquelle je travaille est très simple. Mon
petit manuel recense les mille et une situations qu'un étranger est
supposé devoir affronter au cours d'un séjour en Angleterre. Que vous
ayez une rage de dent, que vous désiriez aller guincher dans une boîte
de nuit, canoter sur une rivière ou barboter dans une piscine chauffée
(iz ze poul hitid ?), chaque cas de figure est prévu et répertorié.
Les phrases usuelles sont écrites en français avec, en regard, leur
traduction anglaise et phonétique. La transcription phonétique donne
un charabia un rien cocasse mais il n'empêche qu'elle m'est d'un grand
secours lorsque je néglige de brancher mon appareil à cassettes.
Aujourd'hui, j'attaque la leçon intitulée "Au restaurant".
En premier lieu, il s'agit de s'enquérir d'un endroit où manger
correctement. La formule préconisée par le manuel est la suivante :
"iz zère e goudd rèstoran ?" (Y a-t-il un bon
restaurant par ici ?) Une fois trouvée la bonne table, on vous suggère
de demander : "Ouatt iz ze dich of ze deï ?" (Quel est
le plat du jour ?), et ensuite, si comme moi, vous aimez les mets épicés
: "Kould aï hav seum pépeu ?" (Pourrais-je avoir du
poivre ?) A la fin du repas et au moment de payer, il est conseillé
d'interpeller le serveur et de lui dire : "Kènn aï hav ze bil,
pliz ?" (L'addition, s'il vous plait.)
Vraiment, cette méthode est excellente et me donne entière
satisfaction.
[...] J'en étais au chapitre des enfants et je venais de dire :
"Ouèr kènn aï fidd maï beïbi ?" en m'appliquant à
prononcer au mieux. Le Sam sort alors de son mutisme et me prie de
traduire. Et moi, trop heureux de le voir s'intéresser à la chose, je
m'exécute aussitôt :
- Ça signifie : Où puis-je allaiter mon bébé ?
C'est dans la seconde même où je prononçais cette phrase en français
que j'en ai perçu tout le ridicule. Ce traître de Sam venait de me
mettre le nez dans mon caca [...]
- Tu es sûr que tu dois apprendre toutes les leçons de ton manuel ?
Il accentuait le "toutes", il le disait en gras et en
capitales.
- Certain, ai-je rétorqué, toutes. Même si je ne les utilise jamais,
c'est bon pour la pratique, figure-toi. "
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Anne BRAGANCE |
"La Correspondante anglaise"
(1998) |
Joseph.
"J'en étais aux civilités, aux échanges mondains. Je répétais
avec beaucoup d'application : "Dou iou ouante é drinnc, maï
frennd ?". Sam, qui pelait des patates au-dessus de l'évier, a
soudain fait volte-face :
- Qu'est-ce que tu baragouines ?
-Traduit mot à mot, ça signifie : Voulez-vous une boisson, mon ami ?
En fait, c'est comme dire : Tu prends un verre, vieux ?
- Ouais... Mais, s'ils sont potes, pourquoi ils se tutoient pas ?
- C'est tout simple : le tutoiement n'existe pas en anglais.
Sa patate dans une main, son éplucheur dans l'autre, Sam affichait la
plus grande perplexité.
- C'est une blague... Tu me charries.
- Pas du tout. Je t'assure qu'ils n'emploient pas le tu.
- Alors, ils disent jamais tu... même pas dans l'intimité... même pas
à leurs gosses, par exemple ?
- Non. Jamais. Je te répète que ce pronom n'existe pas.
Il n'en revenait pas, le copain, il branlait du chef comme un automate.
- C'est pas croyable un truc pareil ! J'savais bien qu'ils étaient
barjots, ces British... T'imagines une scène de ménage avec un mec qui
traite sa bonne femme de tous les noms... Comment ça se passe à ton
avis ? Tu crois qu'il lui dit : Vous êtes une salope, j'peux plus vous
voir en peinture, débarrassez-moi le plancher et allez vous faire
foutre... ?
- Probable, s'ils en sont là.
- Y'a pas à dire, ils sont comiques, tes Anglais. Des gens qui
s'insultent en se faisant des cérémonies, on aura tout vu... Et,
dis-moi, le chien qui veut pas obéir, son maître lui donne aussi du
vous ?
- Sans doute.
- [...] Pense un peu, le gars appelle son cabot qui veut rien entendre,
il lui crie : Médor, amenez-vous que je vous passe votre collier !
Venez, voyons, c'est l'heure de la promenade. [...] le mec file le train
à son chien, il continue à s'égosiller : Médor, ne tirez pas si
fort, j'en ai marre de vous courir après..."
(Note de notre part : Pour être tout a fait exact, le
tutoiement existait en anglais - thou -, mais il a disparu. Il
subsiste uniquement dans les textes anciens et dans les prières. On
pourrait donc dire que les Anglais vouvoient leur chien et tutoie Dieu !
Nous vous laissons en tirer les conclusions que vous souhaitez.)
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