l'Understatement et son contraire - l'Overstatement  


L'understatement, ou comment vous envoyer sur les roses sans en avoir l'air !

L'understatement qui consiste à minimiser la plus terrible des catastrophes n'aurait sans doute pas autant de saveur sans son contraire, l'overstatement qui se résume quant à lui à exagérer ou amplifier un fait anodin, un petit rien qui devient alors cataclysmique, même s'il n'est, en vérité, guère plus qu' "une tempête dans une tasse de thé".

Lors d'un séjour à Durham, charmante cité au nord de l'Angleterre, un ami français avait décidé de profiter de la pureté de l'air du petit matin et du ciel bleu dégagé pour faire une courte balade avant d'être rebuté par quelques brusques "rainy spells" non prévus mais assez fréquents dans la région. (voir notre page sur le climat !) 
S'étant aventuré sur une lande vallonné des plus charmantes, il atterrit après une bonne marche sur un tapis de gazon immaculé où pas un brin d'herbe ne dépassait : il comprit immédiatement qu'il était sur un "green", au beau milieu d'un parcours de golf. Surgi alors de derrière les arbres, un homme visiblement courroucé de le voir traîner là sans raison l'interpella dignement dans la plus pure des traditions du savoir-vivre anglais et lui lança un cinglant : "I say, do you realise this is a PRIVATE property ?" que mon ami, en bon linguiste et spécialiste de la Grande-Bretagne qu'il était, traduisit immédiatement et mentalement en un vigoureux "veuillez me foutre le camp de là !". Mais, comme vous, nous l'espérons, il en apprécia fort le tact et l'apparente douceur des mots, à défaut de celle de l'intonation. 
Car vous le savez bien, un des aspects essentiels de la phrase anglaise n'est pas tant le choix des mots mais bien plus celui de l'intonation de la phrase. Et c'est certainement la richesse de la tonalité de ces phrases qui leur permet de vous envoyer vous faire voir ailleurs très clairement mais sans utiliser le moindre mot violent. C'est là aussi une forme d'understatement. Il existe des "You don't say ! " envoyés sur un ton perplexe qui traitent mieux votre interlocuteur de menteur que n'importe quel mot du dictionnaire.

D'autre part, il peut être amusant de noter que notre ami Georges aurait été d'autant plus vexé de découvrir qu'il s'était fait aussi vertement expulser d'un terrain de golf si, comme nous, il avait pu observer, quelques temps plus tard, qu'à Saint Andrews,  Mecque du golf s'il en est, on laisse les moutons paître sur les links ! Il est vrai que nous étions alors en Ecosse, et non plus en Angleterre !

   

- the Understatement -

George MIKES "How to be an Alien" 
(1946)
"The English have no soul ; they have the understatement instead.

If a continental youth wants to declare his love to a girl, he kneels down, he tells her that she is the sweetest, the most charming and ravishing person in the world, that she has something in her, something peculiar and individual which only a few hundred thousand other women have and that he would be unable to live one more minute without her. Often, to give a little more emphasis to the statement, he shoots himself on the spot. This is a normal, week-day declaration of love in the more temperamental continental countries. In England the boy pats his adored one on the back and says softly : "I don't object to you, you know." If he is quite mad with passion, he may add : "I rather fancy you, in fact."
If he wants to marry a girl, he says : " I say... would you ?..."
If he wants to make an indecent proposal : " I say... what about ..."

George MIKES "How to be an Alien" 
(1946)
"In England, rudeness has quite a different technique. If somebody tells you an obviously untrue story, on the Continent you would remark 'You are a liar, Sir, and a rather dirty one at that.' In England you just say 'Oh, is that so ?' or 'That's rather an unusual story, isn't it ?'..."
Pierre DANINOS "Les Carnets du Major Thompson"
(1954)
"En Angleterre, on minimise la plus grande catastrophe [...]
Si un Anglais arrive quelques minutes en retard parce que le toit de sa maison s'est effondré, il dira qu'il a été retenu par une 'slight disturbance'*.

* un 'léger contretemps'. C'est là une des mille formes que prend l'understatement si cher aux Britanniques."

Jean 
OGER 
"Les Anglais dans l'intimité"
(1975) 
"Depuis que je suis en Angleterre, je comprends mieux que l'humour est une caractéristique anglo-saxonne et qu'il est bien différent de l'esprit français ou du comique italien.
L'humour n'a rien d'occasionnel, comme le jeu de mots ou le comique de situation, bien qu'il ait ses moments forts. Il consiste plutôt dans une attitude permanente du sujet, qui lui fait considérer les gens et les choses avec un sens très aigu du relatif. Le mot anglais qui le définit le mieux est sans doute understatement : une affirmation, un jugement qui demeure toujours en deçà de la réalité. L'exemple le plus typique de ce genre d'esprit est certainement celui d'un Américain, Mark Twain, apprenant la nouvelle de sa mort par les journaux. il envoya aussitôt à son journal le télégramme suivant : ' Nouvelle de ma mort fortement exagérée'." 
     
   

- the Overstatement -

George MIKES "How to be an Alien" 
(1946)
"The English have no soul ; they have the understatement instead. [...]
Overstatement, too, plays a considerable part in England social life. This takes mostly the form of someone remarking : "I say..." and then keeping silent for three days on end."
Julian BARNES  "Lettres de Londres"
(1995)
"La démission d'un ministre de premier plan se fait généralement en deux temps : la démission elle-même [...], et le discours qui s'ensuit à la Chambre des Communes.
[...] Sir Geoffrey se présenta devant la Chambre l'après-midi du mardi 13 novembre.
[...] Plus tard dans la soirée [...] les barons tories déclaraient qu'en vingt ans ... Oh, vingt-cinq ans même, ils n'avaient jamais entendu un discours de démission aussi musclé. [...]. Sir Geoffrey Howe se tenait debout dans une travée à mi-hauteur. Il parlait doucement, courbé sur ses notes, les lâchant à l'occasion d'une main pour fendre l'air vigoureusement sur une épaisseur de plusieurs millimètres. Son aspect et son discours étaient à la hauteur de sa réputation : ovins. [...] En quarante ans de politique il n'avait été comparé qu'à une carcasse de mouton et à un paillasson mordeur." 
     
     



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